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Entretien avec Evelyne Frère-Datcharry au sujet de Semeurs de bienveillance

Publié le 10 octobre 2024 à 09:29:28

1. Pouvez-vous vous présenter ?

Après plusieurs activités (professeur, conseillère conjugale et en relation d’aide) je consacre principalement mon temps à animer des formations ou des interventions autour de la bienveillance. Je suis engagée dans l’accompagnement spirituel, et au service de mon église. J’aime passer du temps avec ma famille et mes amis. J’aime avoir des activités créatives.

2. Qu’est-ce que la bienveillance ?

C’est une posture, un langage, un comportement qui veut respecter l’autre, l’accueillir, le prendre en considération dans tout ce qu’il est. C’est aussi s’accueillir soi-même, et pour s’accueillir il est nécessaire d’avoir conscience de ce qui se passe en soi. La relation bienveillante se vit dans un respect mutuel, dans la liberté d’être qui je suis, sans me laisser piétiner, en sachant m’affirmer sans blesser l’autre. On est à l’opposé de ce que l’on voit trop souvent dans notre société à savoir la compétition, le jugement, la comparaison, l’exclusion.

3. Pourquoi le chrétien devrait-il faire preuve de bienveillance ?

La bienveillance est une valeur du Royaume de Dieu. Dieu est bienveillant par essence, et nous sommes appelés à lui ressembler et à témoigner de qui il est. Être bienveillant avec moi-même et avec autrui, c’est mettre en pratique cette parole : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Si je veux être dans la suivance du Christ je ne peux pas faire l’économie de la bienveillance en moi.

4. Pourquoi nos émotions sont-elles importantes ?

Nos émotions sont importantes parce qu’elles sont au service de la vie en nous. Composante de notre humanité, elles sont les couleurs de nos vies et jouent un rôle dans toutes nos relations, particulièrement dans l’expression de notre vie affective. Elles sont précieuses parce qu’elles nous informent de ce qui se passe plus profondément en nous. Il est important de les accueillir, sans les juger, qu’elles soient agréables comme la joie, ou désagréables comme la peur, parce qu’elles sont utiles.

5. Comment faire face à nos différents besoins ?

Nous passons notre vie à nourrir nos besoins, le plus souvent de façon inconsciente. Nos besoins ne peuvent pas être tous et toujours comblés. Le plus important est d’en prendre conscience. Cela me mène parfois à faire une demande à autrui pour permettre que mes besoins soient nourris, l’autre pouvant ou non répondre ou non, à ma demande ou pas. Je peux les nourrir moi-même, ou différer le moment où ils seront nourris, ou encore renoncer à ce qu’ils le soient.

6. Pourquoi est-il nécessaire de prendre conscience de nos besoins et de nos émotions pour être bienveillant envers les autres ?

Prendre conscience de nos émotions et de nos besoins, et les accueillir, nous permet d’être connectés à notre être profond. Si je ne suis pas lucide sur moi-même, je risque d’interagir avec les autres de façon automatique, à partir de mes croyances, de mes interprétations, de mes préjugés, ce qui engendre de l’incompréhension, du conflit, débouchant parfois sur de la violence.

7. Pouvez-vous nous expliquer la position du chacal et celle de la girafe dont vous parlez dans votre livre ?

Le chacal illustre notre tendance à agir, réagir, et parler de façon hâtive et automatique en étant déconnectés de nous-mêmes. Souvent cela se traduit en reproches, critiques, et jugements. La girafe nous invite à prendre de la hauteur pour considérer ce qui se joue en nous, agir en accord avec nos besoins, tout en étant attentifs à ceux d’autrui. Deux images pour mémoriser plus facilement deux fonctionnements : celui qui nuit à la relation et celui qui est au service de la vie.

8. Quelle distinction faut-il faire entre entendre et écouter ?

Parfois j’entends l’autre comme j’entends des bruits dans la rue. J’entends les mots de l’autre et je peux y accorder une certaine importance. Cela peut suffire si c’est un échange de faits ou d’informations. Quand je veux écouter l’autre, je n’écoute pas que les mots, je suis attentive aux mimiques, au langage du corps, au ton de la voix, aux émotions qui transparaissent. Une écoute active nécessite de donner à l’autre l’exclusivité de notre attention.

9. Comment bien écouter l’autre ?

Il faut dire qu’écouter n’est pas facile, ça s’apprend. Il y a différents degrés d’écoute. L’écoute qu’on appelle active ou empathique nécessite de savoir se taire dans un premier temps, pour permettre à l’autre d’aller jusqu’au bout de son expression. Il est aussi important de prendre conscience de tous les comportements qui font obstacles à l’écoute comme faire la morale, porter un jugement, donner des solutions etc. Écouter c’est se décentrer de soi pour se centrer sur l’autre, avoir la volonté de l’accueillir avec tout ce qui l’habite, sans le juger.

10. Quel rôle joue notre relation avec Dieu dans notre relation avec l’autre ?

Comment faire grâce si nous ne la vivons pas dans notre relation à Dieu ? Comment pardonner sans expérimenter le pardon de Dieu ?

Christ est celui qui nous ouvre le chemin à la fois vers nous-mêmes et vers l’autre. Recevoir son regard bienveillant et accueillir son amour inconditionnel nous permet d’aimer vraiment.

11. Quels ouvrages pouvez-vous conseiller à nos lecteurs pour aller plus loin ?

Scazzero, Peter, Les chemins d’une spiritualité émotionnellement saine. La maturité spirituelle est inséparable de la maturité émotionnelle, Charols, Excelsis, 2018

Juvet, Thierry et Monique, Honneur & puissance. Les fondements de la culture de l’honneur, Yverdon-les-Bains, Global Institute of Honor, 2017.

D’Ansembourg, Thomas, Cessez d’être gentil, soyez vrai ! Être avec les autres en restant soi-même, Montréal, Les Éditions de l’Homme, 2001.